Le porteur d'eau était attentif à la croissance des épis de blé, auxquels il distribuait la substance de vie, dont chacun avait besoin pour sa maturation. Un disque pâle au zénith éclairait le feu secret de la Terre, par lequel la vie se communiquait. Le porteur d'eau serein versait un élixir inépuisable, et son allure était tranquille, quand un scorpion apparut à ses pieds. Je suis le sperme de la mort, dit ce dernier, et je porte en moi mon auto-destruction. Je suis violon solitaire et mystique ; sexe et mort, voilà ma substance initiale. Je porte en moi les pôles de la Terre, l'intensité des extrêmes, je porte le lieu secret d'où naissent les énergies et connais l'origine et la fin des mondes .
Son attitude était menaçante, et sa queue frémissait, pleine d'un venin mortel. Le Verseur d'eau s'arrêta dans sa tâche, eut un sourire interrogateur, et fraternel à la fois ; considérant la puissance obscure, froide, il dit : Je te reconnais pour mon frère perdu au milieu du désert . Quand elles se putréfient, les plantes se préparent à renaître ; cela tu le sais, je le sais. Ne consens-tu pas, qu'aux animaux auxquels tu donnes la mort, j'enseigne la façon de naître dans un monde meilleur ? Et voudrais-tu me détruire ?
Écoute : le Lion, maître de la jungle, qui rayonne tel un aimant puissant est toi-même ; le Taureau de la Terre, élan calme et fort de la végétation, est aussi toi-même. Tous quatre, au premier jour de la création, avons formé un indissoluble carré ; ne t'en souviens-tu pas ? Au sphinx immuable, notre identité commune, le premier apporta le calme souverain, et lui donna l'assise ; le second sa passion indicible, lui insuffla l'élan vital ; et toi le troisième, par ta tension extrême fit naître la fonction pensante ; Je vins enfin, couronnant l'homme véritable, nous coordonnant tous les quatre par un simple geste de donneur de vie . Je suis encore à naître, mais l'aube de l'âge dans lequel tous me reconnaîtront apparait enfin. A présent, je vais croître, laisser grandir, donner la vie . Tu étais Scorpion, troisième à paraître dans le théâtre temporel, et maintenant que je prends naissance, germe de Dieu qui est encore à naître, et triomphe de notre union, fixe aux quatre coins de ce monde, dans ce sphinx hermétique. Comprends-tu, enfant du désert, individu farouche ? Je suis ce germe secret que tu enfantes, je suis profond. Pris d'un tremblement convulsif, le Scorpion sembla momifié ; puis un soubresaut lui donna l'apparence d'un brasier intense, on le vit ensuite se dissoudre, répandre tous les fluides.L'horizon avait pris une teinte nouvelle. Au sommet d'une colline, une colombe s'envola, et s'éleva dans l'espace ...
Texte extrait (page 136) de mon essai La nouvel Ere ou la Porte du Temps
Texte extrait (page 136) de mon essai La nouvel Ere ou la Porte du Temps
Richard Sadok et Paul Eric Pierre Lafay